mercredi 5 mars 2008

FOURBURE

La fourbure est une maladie du cheval qui affecte principalement ses pieds. Elle peut avoir des causes multiples, notamment alimentaires, ou dues à des efforts trop importants, mais on connaît également des fourbures de post-partum, ou d’autres d’origines très diverses.

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Quand elle est prise en charge médicalement dès son apparition, et à condition qu’elle ne soit pas trop violente, elle peut être jugulée sans conséquences pour le cheval. En revanche, et c’est ce qui se produit dans la grande majorité des cas, lorsqu’on ne se rend pas compte immédiatement que le cheval " fait " une fourbure, celle-ci a le temps de provoquer des perturbations au niveau des pieds du cheval qui lui laissent généralement des traces persistantes. La " bascule " de la troisième phalange fait partie de ces possibles séquelles, ainsi que les " fourmilières ", et , éventuellement, la perforation de la sole. Dans ces cas, la locomotion du cheval en est affectée durablement, parfois gravement. La fourbure est alors devenue " chronique ".

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Il existe cependant des pratiques de maréchalerie capables d’apporter une résolution dans la plupart de ces cas, même anciens.

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Bien sûr, et comme pour tous les gestes thérapeutiques, il n’y a pas de formule standard, ni encore moins de formule miracle.

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Ayant une longue expérience de ces pratiques et de leur efficacité, nous allons essayer de vous les présenter afin de vous permettre, peut-être, de trouver la solution pour soulager votre cheval, et, pourquoi pas, le guérir.

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Voici d’abord, illustré par le " film " de l’opération, le cas d’une jument Pur-Sang, pleine, victime d’une fourbure des antérieurs avec bascule des 3èmes phalanges, et qui a été traitée par une avulsion de la paroi de ces deux pieds,en pince, associée à deux onguents de notre fabrication. Cela lui a permis de retrouver une démarche normale en un mois environ. Cette opération a eu lieu sous contrôle d’un vétérinaire, et la jument est restée en pension chez ce vétérinaire jusqu’à sa guérison.

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Nous aborderons ensuite le cas d’une " Sub-fourbure ", moins évident à déceler.






FOURBURE CHRONIQUE
avec Bascule des 3èmes phalanges, traitée par
AVULSION DE LA PAROI


La fourbure affecte la circulation du sang dans les pieds du cheval et cause une inflammation importante des parties vives de ces pieds, provoquant une pousse excessive de la corne ce qui peut, comme dans ce cas-ci, entraîner la bascule de la troisième phalange. 6






6 Les aplombs (ici cagneux) peuvent être aggravés par la fourbure.





Cette maladie se porte principalement aux pieds antérieurs mais peut exceptionnellement atteindre aussi les postérieurs. Le cheval se tient campé sur l’arrière , soulageant les pieds malades.


6 radio d'un antérieur





Sur la radio on remarque la bascule très nette de la troisième phalange, avec une tendance à perforer la sole (appui sur la pointe). repère "J" sur l'analyse de la radio.


On notera également le repli de la corne appuyant sur la 3ème phalange (sous le bourrelet) : repère "C".


6 Analyse de la radio



A : éminence pyramidale

B : nouvelle corne

C : repli de corne

D : angle de basculement : 15 °

E : position normale de la 3ème phalange (en pointillés)

F : pousse excessive de la corne

G : fourmilière

H : 3ème phalange basculée

I : ancien fer trop court

J : appui de la pointe de la 3ème phalange sur la sole

L’avulsion partielle de la paroi est indiquée dès que la bascule de la 3ème phalange atteint 3 à 4 degrés, ainsi qu’en présence d’un abcès entre la paroi et cet os.

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Elle consiste en l’ablation de tout ou partie de la paroi dans la zone enflammée pour libérer et soulager les tissus internes, et supprimer la pression exercée par le repli de la corne sur l’éminence pyramidale (partie haute de la 3ème phalange), et ainsi lui permettre de reprendre sa place correcte.

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Elle se fait sous contrôle vétérinaire.

6 D’abord un léger parage en talons, pour provoquer un abaissement du talon de la troisième phalange : repère A, cercle rouge.


B : La sole est très bombée.
C : On notera la présence d’une fourmilière importante.



6 Pied paré au degré requis.






4 A noter, fourmilière en pince et mamelles.
(trait rouge)












6 Après avoir réalisé le parage, on peut commencer l’avulsion proprement dite.


Pour éviter au maximum la résonance, et donc peut-être la douleur, que pourraient causer les coups de marteau ou même de maillet sur le rogne-pied, on utilise quand c’est possible une pince coupante spéciale.


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On procède par " petits pas ", en enlevant des copeaux de corne .

6 Poursuite de l’avulsion. On atteint la fourmilière.












4 On appelle " fourmilière " une zone où la corne apparaît altérée, et où sa consistance ne fait plus obstacle à la pénétration de graviers, et autres déchets divers :







si on n’y prend pas garde, s’y " stocke " du fumier, et on peut même y trouver des asticots …





5 Finition du pied à la lime.
Le pied est prêt à être ferré, précaution indispensable avant la poursuite de l’opération .( Risque d’hémorragie – le pied ferré est prêt à toute éventualité.)



5 Forgeage des fers à chaud.

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Pendant cette opération, les fers sont présentés sur les pieds à de nombreuses reprises, afin qu’ils soient parfaitement adaptés.

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Toutefois, étant donné qu’il s’agit de pieds souffrants, et que la corne n’a ni sa consistance ni son épaisseur habituelles, il faut être extrêmement vigilant pour ne pas brûler le cheval en laissant le fer chaud trop longtemps au contact du pied : le geste classique de ferrage à chaud doit être reconsidéré dans ce sens, et, s’il y a le moindre doute, on préfèrera approcher seulement le fer du pied, et ceci brièvement, afin de juger s’il est bien conformé, plutôt que de l’appliquer à chaque fois sur le pied.


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Certains pourraient penser qu’il serait mieux, alors, de ferrer à froid. Mais il serait trop difficile, à froid, de donner la bonne tournure au fer qui doit être fort travaillé, comme le montrent les photos suivantes.

6 Fer terminé. (vu des éponges)




A noter la très forte ajusture combinée pour préserver la sole (le fer est à la fois creux, bombé et enroulé).

6 Une autre vue du même fer.



On remarquera les deux pinçons pour libérer la pince de l’avulsion.


Voyons plus en détail ses différentes spécificités :


Les deux traits verts soulignent le lieu où s’appuiera la paroi, une fois le pied ferré : il faut donc que la voûte du fer, dans cet endroit, soit bien adaptée à cela. Les deux traits verts doivent donc pratiquement se trouver dans le même plan. Ceci ne doit pas être perdu de vue lors du forgeage, car simultanément, le fer a été travaillé en pince (cercle jaune) pour réaliser ce qu’on appelle une ajusture combinée : cela apparaît mieux sur la photo du fer vu des éponges.

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De cette façon, la sole est très protégée du contact avec le sol, et elle est surélevée en pince, ce qui ajoute à l’effet de correction d’aplomb commencé par le parage en talons que nous avons vu plus haut . Ainsi, la 3ème phalange est ramenée plus rapidement à sa place correcte. Attention, toutefois, à ne pas être trop brutal dans cette correction : tenir compte de différents facteurs , notamment ligamentaires.

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On a également réalisé sur les mêmes fers un léger pantouflage des éponges (cercles rouges) [rappelons que l’éponge est la partie du fer qui reçoit le talon du pied ] : il s’agit de donner à la voûte de chaque branche du fer une légère pente vers l’extérieur, afin d’inciter les talons à s’écarter, et ne pas risquer de comprimer le pied par un effort de serrage qui résulterait d’une mauvaise conformation de ces parties-là du fer.

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Enfin les zones intermédiaires entre ajusture et pantouflage (cercles bleus), seront particulièrement soignées car, dans ces endroits le fer étant forcément un peu vrillé, il faut bien surveiller que les surfaces d’appui de la paroi (lignes vertes) continuent de former un plan.

6 La sole est enduite copieusement de notre onguent " maison " n°4 , spécialement adapté avant d’être protégée d’un siège de cuir.


6 Brochage du fer sur le pied, au travers du cuir, avec seulement 4 clous en quartiers. (repère A : siège de cuir)




6 Reprise de l’avulsion, d’abord à la râpe, puis au rogne-pied.



6 Finition à la meule



Sur ces photos, on voit nettement en quoi a consisté l’avulsion : tout d’abord, ôter toute la corne altérée de la fourmilière. Nous nous arrêtons dès que la corne retrouve une consistance normale, ou plus tôt, si, comme sur le détail agrandi à droite, on rencontre la trace de petits vaisseaux qui ont saigné lors de l’installation de la fourbure, et la création de la fourmilière. Ceci nous montre que le réseau sanguin n’est plus très loin, et il est prudent de cesser l’avulsion à cet endroit.

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Plus haut, juste sous la couronne, (et aussi un peu plus bas), on a désépaissi progressivement (cercles jaune puis orange) la corne afin d’enlever le plus possible du repli de corne qui appuyait sur l’éminence pyramidale de la 3ème phalange (voir radio). Au doigt, on se rend compte de l’assouplissement que l’on obtient, ce qui guide dans la poursuite du travail : la corne, à cet endroit doit être aussi fine que nécessaire pour ne pas gêner le retour de la 3ème phalange à sa position normale. Avec la meule électrique, la progression est très lente et complètement indolore. Elle ne fait donc pas courir de danger au cheval et on peut la poursuivre tant que l’on n’a pas obtenu le résultat souhaité. Ne pas hésiter à y passer le temps nécessaire. De cela dépendra en grande partie la guérison rapide du cheval.

6 Avulsion terminée.


Ce travail très minutieux n’a pas fait souffrir le cheval qui, au contraire, avait une démarche plus aisée après qu’avant.

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Bien qu’en certains endroits la corne ait été complètement enlevée, mettant à nu le tissu podophylleux, les précautions prises ont évité tout saignement.

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Temps passé : 4 heures.

6 Vue de profil avant l’emmaillotement.




6 Comparer avec l’état initial, sur la première photo.



6 Application de notre onguent " maison " n°5 avant la pose d’un pansement. (L’antérieur gauche est déjà pansé).



6 Pose du pansement.


Pansement à renouveler 2 fois par jour. Maintien de cette ferrure 3 à 4 semaines. Cheval au box ou sur pré sec. Repos recommandé.

Résultat : cette jument a retrouvé une démarche normale en un mois, environ.

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(Précisons qu’elle n’a reçu aucun autre traitement en dehors de cette ferrure et des pansements cités).


Si certains pensent pouvoir déceler dans l'état initial de ses pieds le signe d'un défaut d'entretien et de surveillance, ils sont tout à fait dans l'erreur : je tiens à préciser qu'il s'agissait d'une jument de course, de très grande valeur et en gestation. Elle était en permanence stationnée dans un haras spécialisé, dont la compétence et la qualité de la surveillance et des soins étaient absolument au-dessus de tout soupçon ! En outre, cette jument n'avait aucune surcharge pondérale au moment où sa fourbure s'est déclarée.


© Copyright Catherine Castel

1 commentaire:

David Andrianavalontsalama a dit…

Quel récit haletant !

Merci pour tous ces détails et ces photos, très pédagogiques.